Voici le mot du bord envoyé lundi 11 novembre par Ronan Gladu, media man sur Actual Leader.

Enfin ! Enfin nous sommes sortis de ce pot au noir interminable ! Comparé à la plupart des voiliers, ce fut très court… mais quelle intensité ! Une course effrénée avec les nuages qui n’en finissaient plus de gonfler au-dessus de nous, à rendre fou ! Et encore, moi j’étais « à la cool » à regarder Yves et Alex wincher et manœuvrer presque non-stop pendant 24 heures ! Mais les efforts ont payé, ce fut une bonne opération pour nous, je crois qu’on est revenus de presque 100 milles sur le reste de la flotte. Et le final, au lever de lune, était magique. De voir enfin les étoiles devant et la lune se frayer un chemin à travers le dernier grain mutant derrière… une sensation de libération et de victoire : enfin sortis des griffes du monstre !

Nous sommes maintenant au « reaching », à fond, tout droit vers Rio. Et vous savez quoi ? Et bien le « reaching », c’est assez insupportable, surtout à fond de cale ! Je fais des bonds dans tous les sens devant le clavier, la machine est parfaitement réglée : on ne l’arrête plus ! Le seul endroit où on pourrait être bien, c’est dans la bannette, mais la chaleur est insupportable. D’ailleurs ma « cave » commence à sentir le fauve ! Je vis même avec les poubelles de bord. Il faudrait que je me motive à les envoyer vers l’avant, à l’emplacement prévu mais il faut se faufiler dans un goulot étroit, puis le long de la dérive centrale, dans les entrailles de la bête. Hors de question de faire ça maintenant, à 28-30 noeuds sur un champs de bosses, je vais finir incrusté dans le carbone !

Nous avons passé l’équateur, moment symbolique…j e dormais ! En même temps, à eux deux, ils l’ont passé plus de 30 fois, sur tous types de bateaux. La routine quoi. Et puis moi je l’ai déjà franchi en vélo, au Gabon, avec mes collègues de Lost in the Swell - Yves m’a dit que ça, c’était « la classe » ! En tout cas, le bateau a l’air en pleine forme et les marins récupèrent doucement leur sommeil. A chaque fois que je monte dans la cabane, il y en a un qui ronfle « comme un mammouth sous prozac ». J’ai même pris le temps de nous faire un gros plat de pâtes au thon, ça fait du bien ! D’ailleurs, il faut que j’arrête de me plaindre, on est bien ici, au calme et au chaud… Vu ce qui nous attend à Rio (du vent bien fort) et le scénario pourri qui se profile vers l’Afrique du sud, on n’est pas au bout de nos aventures !"

Photo : Ronan Gladu/Actual Leader