Visual Story du 8 nov. 2019 / Jour de course #3
Martin Keruzoré / Médiaman à bord de Sodebo Ultim 3
Voilà plusieurs jours que nous vivons en autonomie complète, loin de la terre ferme et ses ressources. A bord, la vie dans ce huis clos a trouvé son rythme et les premières alliances se forment…
Et oui, un extra de nourriture, un peu de confort, tout prend de la valeur, rien n’est gratuit, tout est une affaire de troc. Par exemple, j’ai par maladresse oublié mon dentifrice avant de partir, Jean-Luc lui, a embarqué avec un tube quasiment vide. Thomas, Le Patron, comme je le surnomme, est le bon élève de l’histoire et possède un tube flambant neuf. Voilà ou tout commence : Si nous voulons garder une hygiène buccodentaire raisonnable pendant ce mois de mer, il va falloir payer, payer avec la monnaie locale. Cela se traduit par un gage, une bonne intention, être au petit soin, à l’écoute, troquer sa barre chocolaté journalière contre ceci, cela.
Hier soir, j’ai eu le challenge de préparer le diner du patron, lui qui doit être à son 3345ème repas lyophilisé depuis qu’il navigue autour du globe. La barre est haute, je n’avais pas le droit de faillir si je voulais m’offrir une noisette de dentifrice avant de me coucher.
Je mets tout en œuvre, la bonne température d’eau, la bonne quantité. Trop d’eau et son diner se transformerai en soupe de pomme de terre, trop peu, le risque qu’il se casse une dent sur un morceau encore réduit à l’état solide.
Je laisse mijoter 27 minutes, pas une de plus. Thomas quitte le poste de barre, ouvre sa gamelle et sans un mot, vide son contenant en quelques minutes.
Je suis à mon ordinateur à traiter les images de la journée, il arrive à côté de moi, je ne laisse rien transparaitre, il est là, son sourire en coin, le précieux tube dans une main, j’ai réussi l’examen.
Ronan GLADU / Mediaman à bord d'ACTUAL LEADER
J’ai toujours cru que c’était une «soufflerie parfaite, un « rêve de voileux ».
En fait, c’est une succession de grains, plus ou moins violents ! Yves & Alex jouent en permanence entres les nuages. Genaker (JO) ou J1 ? Avec quelle force et quel angle vont nous cueillir le prochain grain ? On passe dessus ou dessous ?
Vu que je travaille beaucoup « à fond de cale », ça donne des moments très calmes (dans lesquels le bateau n’avance « qu’à » 25 nds), j’en oublie presque que je suis en mer.
Puis d’un coup le vent rentre, et la machine rugit, siffle, craque et re siffle de plus en plus fort (je suis à côté de la dérive centrale, qui rentre en résonance dans le carbone !). En général, le barreur abat (descend au vent), donc le bateau accélère et « dérape » sur les foils, ce qui donne des mouvement de translation assez imprévisibles. Sur le pont, c’est le moment où l'on approche ou dépasse les 40nds… si la direction est bonne (vers Rio), c’est grand sourire de la part d'Yves ou Alex, sinon ils font la grimace : « p.... de grain qui nous emmène aux Antilles ! On passe sous J1?! ».
Haha, dans tous les cas, moi j’ai la banane. Je prends mon pied, les cheveux dans le vent : quelle chance de vivre ça, c’est fou ! J’ai même vu un poisson volant passer à 2 mètres au dessus de moi… (photo à l’appui !)
A part cela, il n’y a personne. A vue, comme à l’AIS, rien depuis plus de 48h… jusqu’au moment où Yves ouvre la trappe de la cale : « Viens voir, on croise un bateau de ouf !» Et quel voilier : un 5 mats le « ?? », toutes voiles dehors. A la VHF, le capitaine nous dit « j’ai 180 personnes sur le bastingage, qui vous regardent passer ! »
Pour ce qui est de notre position dans la course, hier c’était un peu la douche froide, le « depression report » comme dit Yves. Mais ils s’accrochent : « On est dessus » dit Alex, « on attend une opportunité, même si pour l’instant, ils se sont échappé à chaque transition ». On est plus près de Sodebo, que Sodebo de Macif. Le bateau va bien, l’équipage aussi : à demain !