Après dix jours de mer sur « Brest Atlantiques », la course a été totalement relancée au large de Rio, entre l’escale du trimaran MACIF, le demi-tour dicté par la prudence de Sodebo Ultim 3, et des marins qui gardent tous le pied sur le frein pour ne pas trop exposer leurs trimarans à une mer hachée. L’objectif de la flotte, menée vendredi par le Maxi Edmond de Rothschild, est de faire le dos rond avant de récupérer d’ici deux jours des conditions plus maniables.

La deuxième vacation hebdomadaire de « Brest Atlantiques », organisée ce vendredi depuis la Maison de la Bretagne, au pied de la tour Montparnasse, en a dit long sur les conditions difficiles rencontrées depuis jeudi après-midi par les quatre trimarans de la Classe Ultim 32/23. Si François Gabart, bien calé dans le fauteuil de son trimaran MACIF, avait le sourire et la voix enjouée tout en évoquant un « shaker » pour décrire ce qu’il vivait dans une mer formée de face, Franck Cammas (Maxi Edmond de Rothschild), Thomas Coville (Sodebo Ultim 3) et Yves Le Blevec (Actual Leader) avaient les voix plus fatiguées et/ou les traits plus tirés, les deux derniers s’interrompant même quelques angoissantes secondes pendant la conversation, en attendant que leur bateau retombe d’une vague plus haute que les autres.

« Ce sont les pires conditions depuis le départ et pas loin des pires que j’aie rencontrées en multicoque, a confié Yves Le Blevec, qui en a pourtant vu d’autres. A chaque vague, on a l’impression que le bateau va se démolir, ce n’est vraiment pas drôle. On a une petite trentaine de nœuds de vent, mais ce qui est gênant, c’est qu’on a les vagues de face et que la mer est complètement désordonnée, on se fait secouer, on est obligés de se tenir en permanence. » Même son de cloche chez Franck Cammas : « On a actuellement 25-28 nœuds de vent et une mer de face, ce n’est pas très confortable, ça bouge beaucoup, on a du mal à se tenir debout. » Reste que l’Aixois se félicite que, après l’arrêt forcé en milieu de semaine à Salvador de Bahia pour la réparation de la dérive, le Maxi Edmond de Rothschild soit de nouveau aux commandes de la course : « On ne s’attendait pas à reprendre la tête maintenant, c’est aussi lié aux circonstances de nos petits camarades, mais c’est plutôt sympa, c’est un nouveau départ pour la course. »

Un nouveau départ dû à l’escale technique du trimaran MACIF à Rio (remplacement de safran de coque centrale) et au demi-tour effectué jeudi par Sodebo Ultim 3, que Thomas Coville a pris le temps d’expliquer : « Quand on est arrivés à Rio, on n’avait pas trop d’autre choix que de partir sur cette route sud qui tentait de passer sous la grosse dépression que nous sommes en train de contourner. Après une petite sieste, Jean-Luc (Nélias) me dit : « Thomas, on ne va pas aussi vite que prévu, la dépression nous rattrape et on va se retrouver coincés au près dans 45-50 nœuds. » Donc c’est la mort dans l’âme qu’on a décidé de virer de bord. Pour le moral, ce n’était pas terrible, parce qu’on s’était défoncés pour finalement perdre les quelques centaines de milles qu’on avait construites. J’étais vraiment désabusé, parce que si on réussissait à passer sous cette dépression, on doublait la mise et on se retrouvait avec une très confortable avance, on changeait de système avant les autres. C’est difficile à accepter de perdre autant d’avance. »

Reste que la route vers Le Cap est encore longue et que les prévisions à venir promettent un éventuel regroupement général de l’autre côté de l’Atlantique, au Cap, comme l’a expliqué François Gabart, deuxième à 16h à 47 milles du duo Franck Cammas/Charles Caudrelier : « On se retrouve à traverser dans des conditions pas simples, d’abord face à la mer et au près pendant quasiment les deux tiers du parcours jusqu’à Gough Island, ensuite dans l’anticyclone où il y aura très peu de vent, on n’ira pas très vite. C’est dommage, parce que j’imaginais plutôt ce parcours Rio-Le Cap pleine balle sur de la mer plate, j’en ai rêvé ces derniers mois. Malheureusement, ce ne sera pas pour cette fois, il faudra revenir. » Trop de vent d’abord, pas assez ensuite, ce second tronçon ne restera sans doute pas le meilleur souvenir  de « Brest Atlantiques » pour les huit marins et les quatre media men…